Alors
que le monde se renferme jour après jour dans le confinement des
existences, des bribes de solidarité spontanées germent, innombrables,
ici et là, d’un étage d’immeuble à l’autre, et comme les branches du
lierre s’étendent puis s’entrelacent entre les habitations, puis les
quartiers, les villes pour mailler un réseau d’entraide, d’entr’aide,
l’aide de personne à personnes, de groupes de personnes à personnes.
A
cette spontanéité humaine et sociale à tendre l’un vers l’autre lorsque
nos vies sont brutalement bouleversées, se superposent les tissus
sociaux de solidarité préexistants : autant de fils d’association entre
individus déjà organisés avant la pandémie qui prennent tout leur sens
dans l’harmonisation et l’organisation de ces élans d’entr’aide, qui
bourgeonnent mais se fanent parfois aussitôt, de ne pas trouver le
terreau pour s’enraciner, se déployer et se renforcer dans la durée.
Avec
Covid-entraide nous avons voulu d’une part offrir à ces réseaux
pré-existants une plate-forme, des outils et des espaces communs qui
leur offrent une visibilité, la possibilité d’être rejoignables et
facilitent la mise en place locale d’une auto-organisation en dépit du
confinement. Et d’autre part nous avons aussi eu envie de mettre en
avant toutes ces magnifiques initiatives isolées qui ont spontanément
fleuri un peu partout et qui gagnent à être connues mais peinent à
rejoindre celles et ceux qui pourraient en bénéficier. Aussi, nous avons
entrepris de recenser nombre de ces initiatives, en espérant que cela
puisse les soutenir, les renforcer et en inspirer d’autres ailleurs,
partout. Néanmoins, nous avons préféré privilégier les initiatives
désintéressées et indépendantes et n’avons pas entrepris de faire
figurer dans ce référencement les cadres de solidarité institutionnelle
ou les entreprises marchandes (bien qu’AMAP ou initiatives du planning
familial ne nous soient pas hostiles bien évidemment, mais nous pensons
qu’ils trouvent d’autres espaces de visibilité et n’ont pas besoin des
nôtres).
Si
nous entreprenons cette fastidieuse tâche de référencement, c’est aussi
parce que nous sommes fermement convaincu.e.s que le système que nous
avons connu avec ses réalités sociales d’isolement, de précarité, de
profondes inégalités ne va que s’accentuer avec la sortie du
confinement, et que le monde que nous avons vécu va connaître des
changements profonds, brutaux, où les tissus de solidarités, l’entr’aide
que nous œuvrons à susciter et encourager, seront déterminantes,
vitales mêmes pour tous les laissés pour compte, qui seront sans aucun
doute innombrables. Se connaître, se rencontrer, s’aider seront des
socles et des espaces qui offriront aussi la possibilité de ne pas subir
et se soumettre, faute d’autre choix ou d’alternative, aux injonctions à
reconstruire ce que la pandémie aura fait s’effondrer. Cultiver les
brèches dans lesquelles il sera encore possible de s’épanouir, de jouir,
de créer, de s’aimer et de repenser d’autres avenir possibles,
désirables et atteignables, localement ou, on peut rêver, à des échelles
beaucoup plus vastes. S’autoriser simplement à croire que le système
qui a dépouillé les hôpitaux, asséché et sclérosé les services publics
et marchandé la plupart des biens communs, que ce système-là ne pourra
pas impunément reprendre la barre du navire et continuer à nous mener au
naufrage écologique, économique, social, et finalement à l’effondrement
de l’humanité et du reste du vivant.
Une
veille rengaine militante répète à l’envi qu’un « autre monde est
possible », nous avons envie de montrer que ses ferments sont déjà à
l’œuvre et qu’ils demandent simplement qu’on s’en empare activement, dès
à présent, sans ménager nos peines, avant que la fin du compte à
rebours du dé-confinement ne sonne une brutale accélération
spatio-temporelle du monde, de nos existences précipitées dans la suite
des évènements.